Conférence Inra au SPACE sur la gestion intégrée de la santé animale

Conférence Inra au SPACE sur la gestion intégrée de la santé animale

Christine Fourichon est intervenue lors des Rendez-Vous de l'Inra du SPACE sur "Vers une gestion intégrée de la santé animale pour des élevages bovins et porcins performants"

La gestion intégrée de la santé en élevage commence par la prise en compte de l’ensemble des enjeux de la santé animale. A l’échelle de la société et des filières, ils se traduisent en objectifs de performance, intégrés à l’échelle de l’exploitation. Face à cette complexité, les leviers d’action intègrent les connaissances et innovations pour faire évoluer les pratiques et permettre une meilleure santé des animaux et la réduction des traitements.

Les quatre enjeux de la gestion de la santé : respect des animaux, économie, santé publique, environnement

Le premier résultat attendu est le respect des animaux : il s’agit d’avoir des animaux en bonne santé, ou s’ils sont malades, que les effets sur leur bien-être soient limités. Il faut donc être capable à la fois de prévenir et traiter efficacement les maladies.

Les méthodes pour gérer la santé visent à réduire les conséquences des maladies sur les performances et l’économie de l’élevage, mais elles ont un coût. Il s’agit donc d’intégrer l’impact total de la gestion de la santé dans l’économie des exploitations et des filières.

Les risques pour la santé de l’Homme liés aux animaux sont beaucoup mieux maîtrisés que par le passé. Les maladies zoonotiques ont nettement régressé, les contaminants chimiques dus aux traitements sont étroitement surveillés et le respect des règles permet de ne pas exposer l’Homme. Il reste à être vigilant sur le risque d’émergence et de transfert de résistance aux antibiotiques vers des bactéries dangereuses pour l’être humain. Une des voies de maîtrise consiste à réduire drastiquement l’usage des antibiotiques pour l’animal.

Les risques pour l’environnement comportent à la fois les effets directs de la gestion de la santé (par exemple, les effets de l’usage d’antiparasitaires sur la biodiversité des sols), mais aussi des effets indirects pour la santé des écosystèmes liés à des contaminations chimique ou biologique (résidus de traitements, agents pathogènes, gènes de résistance).

Cibler les traitements sur les animaux qui en ont le plus besoin au moment le plus efficace

Les antiparasitaires visant les nématodes gastro-intestinaux sont souvent administrés de façon systématique chez les bovins pour limiter les pertes de production et prévenir l’apparition de maladies parasitaires. Il est en fait possible de réduire fortement leur usage en les utilisant de façon ciblée et sélective.Les périodes d’administration et les animaux à traiter sont ainsi choisis grâce à une mesure de l’exposition des animaux et une estimation de l’immunité qu’ils ont pu développer [5]. Cette mesure présente trois intérêts majeurs :

  • économique  : réduire les coûts de traitement sans altérer les performances du troupeau,
  • sanitaire  : limiter les parasitoses et  préserver l’efficacité à long terme des antiparasitaires en limitant les résistances,  
  • environnemental  :  réduire l’effet des antiparasitaires sur les écosystèmes.

Optimiser la conduite d’élevage pour réduire les usages d’antibiotiques

Face aux incitations à réduire l’usage des antibiotiques, des filières se sont organisées pour en cibler les causes principales. Les réponses obtenues sont cependant très variables entre exploitations. Dans des systèmes de production comparables, il est intéressant de chercher à comprendre ce qui distingue les exploitations qui ont pu obtenir une forte réduction de leurs usages. En élevage porcin par exemple, il a été mis en évidence que les améliorations techniques pour réduire les risques avaient apporté des progrès mais souvent après des phases où succès et échecs alternaient [4]. Le temps long et l’accompagnement des éleveurs étaient alors cruciaux dans le résultat à long terme. Et la maîtrise de certaines techniques alternatives aux usages précédents était aussi une barrière à savoir lever (par exemple maîtriser les traitements ponctuels dans l’eau de boisson).

Proposer des interventions adaptées et évaluer leurs résultats à long terme

Pouvoir évaluer et montrer l’efficacité des interventions en situation réelle d’élevage est crucial. Cela implique d’intégrer les connaissances les plus récentes pour connaître toutes les possibilités [1]. Et aussi d’adapter les interventions à la situation spécifique de chaque exploitation. Cela permet aussi d’en évaluer les résultats, à la fois en termes de faisabilité et d’adoption, d’efficacité technique, de coût et de rentabilité économique. Une intervention adaptée à la situation individuelle de chaque exploitation a permis d’obtenir une bonne observance (par exemple >90% des mesures recommandées dans 70 exploitations porcines), d’aboutir à une réduction substantielle des usages d’antibiotiques (près de 50%), tout en obtenant une amélioration ou un maintien du résultat économique dans deux tiers des cas [2].

Proposer des innovations pour le suivi de la santé

Les innovations peuvent aussi être organisationnelles. Des enquêtes en élevage bovin biologique ont cherché à identifier les freins au progrès sur la santé. Les objectifs des éleveurs sont en fait insuffisamment pris en compte par leurs vétérinaires et leurs conseillers. Une méthode innovante a été proposée pour construire et suivre des indicateurs définis en commun, prenant en compte à la fois les principaux domaines de la santé à surveiller et les critères de succès et de suivi prioritaires et spécifiques à chaque éleveur [3]. Concilier apports des connaissances scientifiques avec situation individuelle et objectifs de chaque exploitant a abouti à un meilleur suivi de la santé des troupeaux et à une capacité accrue à en corriger la conduite pour réduire les risques.

Des pistes pour les innovations de demain

  • Adapter la conception des systèmes d’élevage pour réduire les risques. Certains systèmes peuvent être repensés car des étapes critiques rendent difficile la maîtrise des risques sans traitement, par exemple quand des animaux d’origine diverses sont mis en lots alors que leur vulnérabilité est accrue.
  • Prédire et renforcer la robustesse des animaux. Au-delà des performances sélectionnées, les animaux montrent des réponses hétérogènes aux risques. Des indicateurs prédisant une meilleure robustesse seront utiles pour adapter les interventions, et à long terme sélectionner des animaux plus robustes.
  • Détecter précocement les maladies pour intervenir plus efficacement. C’est d’autant plus important que les tailles des exploitations augmentent. L’automatisation et les progrès du numérique offrent des perspectives pour améliorer la surveillance des animaux. Des indicateurs de santé devront apporter des méthodes fiables, suffisamment sensibles pour sécuriser le suivi, mais surtout bien spécifiques pour alerter à bon escient.

La recherche permet d’innover pour une gestion plus intégrée de la santé animale. Les nombreuses perspectives devraient continuer à faire progresser l’élevage vers la multi performance.

Références
[1]    Ariza J. M., Relun A., Bareille N., Oberle K., Guatteo R. 2017. Effectiveness of collective treatments in the prevention and treatment of bovine digital dermatitis lesions: A systematic review. Journal of Dairy Science, 100(9):7401-7418 DOI: 10.3168/jds.2016-11875.

[2]    Collineau L., Rojo-Gimeno C., Léger A., Backhans A., Loesken S., Okholm Nielsen E., Postma M., Emanuelson U., Grosse Beilage E., Sjölund M., Wauters E., Stärk K.D.C., Dewulf J., Belloc C., Krebs S., 2016. Herd-specific interventions to reduce antimicrobial usage in pig production without jeopardising technical and economic performance. Preventive Veterinary Medicine, 144:167–178, DOI: 10.1016/j.prevetmed.2017.05.023

[3]    Duval J. E., Fourichon C., Madouasse A., Sjöström K., Emanuelson U., Bareille N., 2016. A participatory approach to design monitoring indicators of production diseases in organic dairy farms. Preventive Veterinary Medicine, 128:12-22, DOI: 10.1016/j.prevetmed.2016.04.001

[4]    Fortané N., Bonnet-Beaugrand F., Hémonic A., Samedi C., Savy A., Belloc C. 2015. Learning Processes and Trajectories for the Reduction of Antibiotic Use in Pig Farming: A Qualitative Approach. Antibiotics, 4(4):435 DOI: 10.3390/antibiotics4040435.

[5]    Ravinet N., Lehébel A., Bareille N., Lopez C., Chartier C., Chauvin A., Madouasse A. 2017. Design and evaluation of multi-indicator profiles for targeted-selective treatment against gastrointestinal nematodes at housing in adult dairy cows. Veterinary Parasitology, 237:17-29. DOI: 10.1016/j.vetpar.2017.03.001.

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Contact(s) scientifique(s) :

Département(s) associé(s) : Santé animale

Centre(s) associé(s) : Pays de la Loire, Bretagne-Normandie

Date de modification : 11 septembre 2023 | Date de création : 18 septembre 2017 | Rédaction : ML